• Précisions sur les pouvoirs du Maire (ou du Président de l’EPCI)
Il convient au préalable de souligner qu'il existe deux procédures pour remédier au péril d'immeuble, qui sont souvent confondues, et qui sont déterminées par la cause du péril.
Au titre des dispositions des articles L. 511-1 et s. du Code de la construction et de l’habitation, le Maire (ou le Président de l’EPCI) détient des pouvoirs de police spéciale à l'égard des édifices menaçant ruine. En effet, ces dispositions ne trouvent à s’appliquer que lorsque le péril est imputable au défaut d'entretien de l'immeuble par son propriétaire.
Cette procédure doit ainsi être distinguée des pouvoirs de police générale de sécurité que le Maire détient au titre de l'article L.2212-2.1° du CGCT, qui lui permettent d'ordonner la démolition ou la réparation d'immeubles menaçant ruine lorsque ceux-ci sont exposés à des dangers provenant de causes extérieures. Ce n’est que face à une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent que le Maire pourra faire usage de ce pouvoir de police générale à la place du pouvoir de police spéciale (TA Strasbourg 2 mai 2000, SCI OPA c/ Ville de Thann).
Le pouvoir de police générale incombe au seul Maire et, à l’inverse du pouvoir de police spéciale reconnu par les articles L. 511-1 du CCH, ne peut en aucun cas être transféré au Président de l’EPCI.
Dans certaines circonstances, le pouvoir de police spéciale incombera au Président de l’EPCI tandis que le pouvoir de police générale incombera au Maire, qui ne pourra intervenir qu’en situation d’extrême urgence en cas de carence du Président de l’EPCI au titre de son pouvoir de police spéciale.
La jurisprudence administrative (CE, 12 juin 1987, Conrard) précise que le Code de la construction et de l'habitation ne donne pas au Maire des pouvoirs aussi étendus que le permet le CGCT et, surtout, que les procédures mises en œuvre sont distinctes.
En outre, le Maire n’a pas le choix entre les deux voies, il est dans une situation de compétence liée (CE, 10 oct. 2005, Commune de Badinières).
• Les conditions à réunir
La procédure de péril définie par le Code de la construction et de l’habitation peut être appliquée si les conditions qu'elles énoncent sont réunies :
- L'immeuble doit être un édifice : ce ne peut être un immeuble non bâti. Peut être considéré comme édifice dangereux un immeuble en construction, un monument funéraire ou des éléments incorporés (cheminées, balcons, corniches...).
- Le danger doit émaner de l'immeuble lui-même : il faut que les désordres proviennent de l'immeuble lui-même, par exemple de ses fondations, d'un vice de construction (C.E., 24 mars
1989, époux Junino), à l'exclusion de toutes causes extérieures : inondations, éboulements, avalanches, glissements de terrains... (CE 27 juin 2005, Ville d’Orléans).
- Il faut que l'immeuble menace ruine : les causes ordinaires du péril d'immeubles sont la vétusté, le défaut d'entretien, les vices de construction. Le danger doit être réel, actuel et susceptible de provoquer des troubles graves et menacer la sécurité des locataires, des occupants, des passants ou des personnes pouvant pénétrer dans l'immeuble.
- A contrario, l'insalubrité de l'immeuble ne peut pas justifier un arrêté de péril (CE, 15 avril 1996, Ville de Bordeaux).
Selon que le péril présente un caractère imminent ou non, deux procédures sont applicables.
• La procédure d'urgence : le péril imminent
Si l’état des murs, bâtiments ou édifices est tel qu’il fait courir un péril imminent, le Maire ou, le cas échéant, le président de l’EPCI, dispose de moyens renforcés afin d’ordonner les mesures provisoires indispensables (CCH, art. L. 511-3).
L’urgence de la situation justifie le fait que la procédure contradictoire préalable obligatoire en cas de péril « ordinaire » ne soit pas ici exigée. Ainsi, un simple avertissement, adressé au propriétaire de l’immeuble par le Maire, ou le Président de l’EPCI s’il est compétent, est suffisant pour déclencher la procédure de péril imminent.
A noter que si l’immeuble est inscrit dans un secteur sauvegardé, ou plus généralement dans une zone de compétence de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF), le Maire, ou le Président de l’EPCI, doit informer ce dernier de l’avertissement adressé au propriétaire (CCH, art. R. 511-2 et R. 511-2-1).
Une fois cet avertissement effectué, le Maire doit saisir la juridiction administrative compétente d’une demande de nomination d’expert. Cet expert sera chargé, dans les 24 heures qui suivent sa nomination, d’examiner les bâtiments, de dresser un constat de l’état des bâtiments mitoyens, et de proposer, s’il constate l’imminence du péril, les mesures nécessaires pour y mettre fin.
Dans l’hypothèse où l’expert a conclu à l’existence d’un péril grave et imminent, le Maire peut alors ordonner au propriétaire d’exécuter les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité des lieux, assortie d’un délai pour les exécuter. Cet arrêté de péril imminent est exécutoire immédiatement.
Il convient de souligner que si le Maire a l'initiative du déclenchement de la procédure de péril, le choix entre la procédure ordinaire et celle d'urgence ne lui appartient pas du fait qu'il ne peut passer outre les conclusions de l'expert (C.E., 17 avril 1959, Préfet de police contre époux Lévy-Mague) : lorsque l'état de l'édifice laisse prévoir l'effondrement ou la chute des matériaux avant que la procédure ordinaire n'ait abouti à une solution positive, le Maire doit engager la procédure d'urgence. Mais si l'expert estime qu'il n'y a pas urgence, le Maire est alors obligé de reprendre la procédure dite ordinaire.
Les mesures provisoires prises par le Maire peuvent être l'évacuation de l'immeuble (C.E., 24 mars 1989, époux Junino), ou l'exécution de travaux provisoires (étaiement, abattage d'une cheminée, pose de barrières...). Mais il ne peut s’agir, en principe, de mesures définitives telle que la démolition de l'immeuble (C.E., 12 juin 1987, Conrard).
Toutefois, en cas de circonstances exceptionnelles (danger grave et imminent pour la sécurité publique) résultant de considérations de fait (immeuble situé sur un terrain en forte déclivité et surplombant des habitations) le Maire peut ordonner la démolition de l'immeuble (C.A.A. Lyon, 21 mai 1991, ville de Lyon contre Mlle Perrat). Le Maire peut également valablement ordonner la démolition de l'un des éléments dangereux de l'immeuble (C. Cass. civ, 23 février 1988, Ladine contre commune de Richardménil).
Si le délai prescrit par le Maire n’est pas respecté, celui-ci pourra alors exécuter d’office les mesures provisoires ordonnées, aux frais et risques du propriétaire défaillant.
Les sommes avancées par la commune sont recouvrées comme en matière de contributions directes : le Maire pourra émettre un titre exécutoire, sans qu’il soit nécessaire de saisir préalablement le Juge administratif pour demander la condamnation du propriétaire au remboursement des dépenses exposées pour les travaux effectués d'office (C.E., 18 mai 1988, ville de Toulouse).
La créance de la commune comprendra le coût de l’ensemble des mesures nécessaires pour mettre fin au péril, notamment les travaux destinés à assurer la sécurité de l’ouvrage ou celle des bâtiments contigus, les frais exposés par la commune en tant que maître d’ouvrage public, ainsi que le cas échéant la rémunération de l’expert nommé par le juge administratif.
En outre, la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 est venue préciser que le montant de la créance due par des copropriétaires défaillants est majoré de celui des intérêts moratoires calculés au taux d'intérêt légal, à compter de la date de notification par le maire de la décision de s’y substituer.
A ce stade de la procédure, les mesures provisoires ont été exécutées, soit par le propriétaire, soit d’office par la commune, et deux hypothèses sont alors à envisager :
- les mesures ont à la fois conjuré le danger, et mis fin durablement au péril : le Maire, sur le rapport d’un expert, prendra acte de leur réalisation et de leur date d’achèvement par voie d’arrêté ;
- les mesures n’ont pas conjuré l’imminence du danger et n’ont pas mis fin durablement au péril : le Maire engage alors la procédure de péril « ordinaire » prévue à l’article L. 511-2 du Code de la construction et de l’habitation.
• La procédure ordinaire : le péril non imminent
La procédure dite de péril « ordinaire » vise l’hypothèse dans laquelle le danger n’est pas immédiat. La procédure que devra respecter le Maire, ou, le Président de l’EPCI s’il est compétent, est encadrée à l’article L. 511-2 du Code de la construction et de l’habitation.
Lorsque le Maire constate l’existence d’un péril, celui-ci est préalablement tenu de mettre en œuvre une procédure contradictoire : il informe le propriétaire des lieux, en joignant tous les documents utiles en sa possession, et l’invite à présenter ses observations dans un délai prescrit (qui ne pourra être inférieur à un mois).
Si au terme de cette procédure aucun arrangement n’a été trouvé, ou si les explications du propriétaire n’ont pas été satisfaisantes, le Maire prend un arrêté de péril. Par cet arrêté, le Maire enjoint au propriétaire d’effectuer les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril, voire de démolir l’immeuble, et ce dans un délai prescrit.
A noter que si des mesures particulières peuvent également être prises pour protéger la sécurité des bâtiments situés à proximité de l’immeuble en péril, la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 a élargi cette possibilité en remplaçant la notion de « bâtiments mitoyens » par celle de « bâtiments contigus ».
Lorsque le bâtiment menaçant ruine est à usage principal d'habitation, l'arrêté de péril précise également que la non-exécution des réparations, travaux ou mesures dans le délai qu'il détermine expose le propriétaire au paiement d'une astreinte par jour de retard.
De même, le Maire a le pouvoir d’assortir son arrêté de péril d’une interdiction d’habiter et d’utiliser les lieux, d’une manière temporaire ou définitive (sans toutefois excéder un an), s’il estime que l’état du bâtiment ne permet pas de garantir la sécurité des personnes. Cet arrêté fixera également la date à laquelle le propriétaire des lieux doit informer le Maire de l’offre de relogement ou d’hébergement qu’il a faite aux occupants de l’immeuble.
En outre, avant de prendre son arrêté de péril, le Maire devra demander l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France si l’immeuble concerné est classé ou est situé dans une zone protégée (CCH, art. R. 511-2).
Le propriétaire qui souhaite exécuter les travaux prévus dans l’arrêté de péril se voit offrir plusieurs possibilités :
- exécuter purement et simplement les mesures prescrites ;
- conclure un bail à réhabilitation ;
- conclure un bail emphytéotique ou un contrat de vente moyennant paiement d’une rente viagère.
Le Maire constatera la réalisation des travaux, sur le rapport d’un expert, et prononcera la mainlevée de l’arrêt de péril.
Cependant, si le propriétaire des lieux n’exécute pas spontanément les mesures prescrites dans l’arrêté de péril, le Maire n’a pas les pouvoirs de les exécuter d’office immédiatement. Celui- ci devra de nouveau mettre en demeure le propriétaire d’y procéder dans un délai prescrit. Ce délai ne peut être inférieur à un mois.
Lorsque l'arrêté de péril concerne tout ou partie des parties communes d'un immeuble soumis à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, l'astreinte est appliquée dans les conditions prévues à l'article L. 543-1 du Code de la construction et de l’habitation.
Lorsque l'arrêté concerne un immeuble en indivision, l'astreinte est appliquée dans les conditions fixées à l'article L. 541-2-1 du même code.
Lorsque le bâtiment menaçant ruine est à usage principal d'habitation, le Maire peut, sans attendre l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, appliquer une astreinte d'un montant maximal de 1 000 € par jour de retard à l'encontre du propriétaire défaillant. Son montant peut être progressif dans le temps et modulé dans des conditions fixées par voie réglementaire, tenant compte de l'ampleur des mesures et travaux prescrits et des conséquences de la non-exécution (art. L. 511-2 du même code).
L'application de l'astreinte et sa liquidation ne font pas obstacle à l'exécution d'office par le Maire des mesures et travaux prescrits par l'arrêté prévu au I pour mettre fin à l'exposition au risque d'incendie ou de panique des occupants ou des voisins. Dans ce cas, le montant de l'astreinte s'ajoute à celui du coût des mesures et travaux exécutés d'office. Il est recouvré comme en matière de contributions directes et garanti par les dispositions prévues au 8° de l'article 2374 du Code civil et aux articles L. 541-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.
Si les mesures prescrites concernent un établissement recevant du public aux fins d'hébergement, l'arrêté appliquant l'astreinte est notifié au propriétaire de l'immeuble et à l'exploitant, lesquels sont alors solidairement tenus au paiement de l'astreinte.
L'astreinte court à compter de la notification de l'arrêté la prononçant et jusqu'à la complète exécution des travaux prescrits. Le recouvrement des sommes est engagé par trimestre échu.
Le Maire peut, lors de la liquidation du dernier terme échu, consentir à une remise de son produit lorsque les réparations, travaux ou mesures prescrits par l'arrêté de péril ont été exécutés et si le redevable établit que le non-respect du délai imposé pour l'exécution totale de ses obligations est exclusivement dû à des circonstances indépendantes de sa volonté. Le montant total des sommes demandées ne peut être supérieur au montant de l'amende prévue au I de l'article L. 511-6 du Code de la construction et de l’habitation.
L'astreinte est recouvrée, dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux, au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle est implanté l'immeuble ayant fait l'objet de l'arrêté. Dans le cas où l'arrêté a été pris par le Président d'un EPCI en application de l'article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales, l'astreinte est recouvrée au bénéfice de l'établissement public concerné.
A défaut pour le Maire ou, le cas échéant, le Président de l’EPCI de liquider le produit de l'astreinte, de dresser l'état nécessaire à son recouvrement et de la faire parvenir au représentant de l'Etat dans le département dans le mois qui suit la demande émanant de celui- ci, la créance est liquidée et recouvrée par l'Etat. Après prélèvement de 4 % pour frais de recouvrement, les sommes perçues sont versées au budget de l'Agence nationale de l'habitat.
Ce n’est que si le propriétaire ne s’exécute pas dans le délai imparti que le Maire pourra faire procéder d’office à leur exécution. Sa décision devra toutefois être dûment motivée.
Ainsi, contrairement à ce qui était prévu auparavant, la saisine du Tribunal administratif n’est plus obligatoire, que ce soit pour nommer un expert, ou pour se prononcer sur l’état de péril de l’édifice.
Une exception toutefois : si le Maire veut procéder d’office à la démolition de l’immeuble, il devra saisir le juge, qui rendra une ordonnance l’y habilitant sous la forme des référés.
Enfin, l’exécution d’office des travaux se fait aux frais et risques des propriétaires défaillants, selon les mêmes règles que celles exposées lors de la procédure de péril imminent.
• La mise en œuvre conjointe des deux procédures
La procédure d'urgence et la procédure ordinaire peuvent être menées concurremment, par exemple pour permettre au Maire ou au Président de l’EPCI de faire étayer d'urgence un pan de mur, quitte à obtenir par la suite, devant le Tribunal administratif, l'autorisation de démolir ou de réparer l'immeuble étayé si le propriétaire n'effectue pas les travaux. Le Maire prend alors deux arrêtés, l'un fondé sur l'article L.511-3 du Code de la construction, l'autre sur l'article L.511-2 du même code.
. La publicité des arrêtés de péril
Elle est commune aux arrêtés de péril imminent et non imminent et figure à l‘article L.511-1-1 du Code de la construction et de l’habitation. Tout arrêté de péril est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, aux occupants et le cas échéant à l’exploitant de l’immeuble. A défaut, de connaître l’adresse de ces personnes, la notification de ces arrêtés est valablement effectuée par affichage à la Mairie ou au siège de l’EPCI et à la Mairie en cas de compétence du Président de l’EPCI
De même, à la demande du Maire, l’arrêté prescrivant la réparation ou la démolition de l’immeuble est publié à la conservation des hypothèques ou au livre foncier.
En outre, les arrêtés de péril, comme ceux prononçant la mainlevée de l’interdiction d’habiter, doivent être transmis au Préfet (CGCT, art. L.2131-1).
Enfin, en cas de compétence du Maire, ces mêmes arrêtés doivent être communiqués au Président de l’EPCI compétent en matière d’habitat, aux organismes payeurs des aides personnelles au logement, ainsi qu’au gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement du département lorsque le bâtiment menaçant ruine est à usage total ou partiel d’habitation (CCH, art. R. 511-4).