Les biens vacants sans maître
Qu'est ce qu'un bien sans maître ?
Il ne peut s'agir que de biens immobiliers. Ces immeubles par leur nature sont susceptibles de propriété privée mais ils ne font l'objet d'aucune appropriation juridique par aucun propriétaire ; ils sont à l'abandon. Ces biens sans maître appartiennent alors aux communes sur le territoire desquelles ils sont situés.
Comment distinguer un bien sans maître ?
Il s'agit d'un bien dont le propriétaire est :
- Soit, connu, mais disparu sans laisser d'héritier : sa date de décès et l'actuel propriétaire du bien ne sont pas connus ;
- Soit, inconnu : il n'existe aucun titre de propriété publiée à la conservation des hypothèques et aucun renseignement sur l'identité du propriétaire au centre des impôts fonciers ;
- Soit, connu mais décédé depuis plus de 30 ans, sans héritier ou en laissant des héritiers qui n'ont pas accepté la succession dans cette période ; ces biens sont donc sans propriétaire puisque le délai de prescription de 30 ans est expiré.
Ne pas confondre un bien sans maître avec :
- les successions abandonnées qui consistent en une universalité de biens (patrimoine) et non en un bien immobilier isolé, et pour lesquelles le défunt n'a laissé à son décès ni héritier ni légataire : il s'agit alors de successions en déshérence qui appartiennent à l'Etat (article 539 et 768 du code civil) quelle que soit la date du décès, et non à la commune ;
- un bien individualisé d'une personne décédée depuis moins de 30 ans, sans héritier ou avec des héritiers ayant refusé la succession, et dont celle-ci est alors gérée par les Domaines.
En quoi consiste la mission et quel est son fondement juridique ?
Une nouveauté législative : la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, publiée au Journal Officiel du 17 août 2004, contient une disposition qui modifie les articles du code civil et du code du domaine de l'Etat concernant ces biens.Jusqu'alors en effet, l'article 713 du code civil ainsi que l’article L.25 du code du domaine de l’Etat stipulaient que les biens sans maître appartenaient à l'Etat. Ces biens entraient dans le domaine privé de l'Etat en vertu de son droit de souveraineté. Après enquête pour retrouver d'éventuels propriétaires ou héritiers, le service des Domaines faisait entrer ces biens dans le domaine privé de l'Etat sur décision du Préfet, prise par arrêté préfectoral.Ces biens étaient ensuite mis en vente, afin de remettre dans le circuit économique ces biens improductifs et inemployés et de les soumettre à nouveau à l'impôt foncier.Désormais, ces biens appartiennent aux communes sur le territoire desquelles ils sont situés et ils ne deviennent la propriété de l'Etat que si les communes renoncent à exercer leur droit. Cette disposition législative relative aux biens sans maître s'applique depuis le 18 août 2004. En conséquence, toutes les procédures d'appréhension en cours, c'est-à-dire non achevées par les Domaines au 17 août 2004, ont dû être abandonnées.
Comment se déroule l'acquisition de biens sans maître ?
- L'application de ce nouveau dispositif est précisé par une instruction interministérielle du 8 mars 2006 (Ministères de l'Intérieur et de l'Economie, des Finances) :
- Tout d'abord, une enquête préalable à mener par la commune pour retrouver d'éventuels propriétaires ou ayants droit, en consultant les registres d'état civil, les notaires ainsi que les services du cadastre, de la conservation des hypothèques, des centres des impôts et des Domaines, pour s'assurer qu'il s'agit bien d'un bien sans maître. Puis, la mise en œuvre de la procédure d'acquisition :
- soit, l'acquisition de plein droit (articles 713 du code civil et L.1123-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques) : en prenant une délibération autorisant l'acquisition par le maire d'un bien sans maître revenant de plein droit à la commune. La prise de possession est constatée par un procès verbal affiché en mairie.
Si la commune renonce à exercer son droit de propriété, elle en informe la préfecture qui constate par arrêté préfectoral le transfert du bien dans le domaine de l'Etat.
- soit, l'acquisition par l'application d'une autre procédure (L.1123-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques) spécifique aux biens « présumés » sans maître, c'est à dire aux immeubles n'ayant pas de propriétaire connu et dont les taxes foncières n'ont pas été acquittées depuis plus de 3 ans.
Elle se déroule en deux étapes :
- procédure constatant que le bien est présumé sans maître : prise, après avis de la commission communale des impôts directs, par un arrêté du maire, publié et affiché en mairie et en le notifiant aux derniers domiciles et résidences connus du propriétaire et, le cas échéant à l'habitant ou à l'exploitant (si l'immeuble est habité ou exploité), ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département.
Si le propriétaire ne s'est pas fait connaître dans les 6 mois, l'immeuble est présumé sans maître est peut être acquis par la commune.
- procédure d'incorporation dans le domaine communal : prise par une délibération du conseil municipal, constatée par un arrêté du maire, dans les 6 mois de la date constatant que le bien est présumé sans maître.
Passé ce délai, la commune informe la préfecture de son refus d'appréhender le bien. La propriété est alors attribuée à l'Etat par voie d'arrêté préfectoral.
Qui peut revendiquer un bien appréhendé par la commune ou par l'Etat et comment ?
La demande peut être présentée par le propriétaire ou ses ayants droit dans les mêmes conditions et délais de prescription que pour les successions en déshérence (*), à la personne publique qui a acquis le bien, c'est à dire soit à la commune, soit à l'Etat représenté par le préfet du département.
Lorsqu'il y a lieu à restitution, celle-ci peut se faire en nature ou en valeur.
- Restitution en nature : elle intervient lorsque l'immeuble a été appréhendé mais n'a pas été encore vendu.
- Restitution en valeur : elle intervient si l'immeuble a déjà été vendu ou s'il est utilisé c'est à dire aménagé, notamment à des fins d'intérêt général.
Une indemnité correspondant à la valeur vénale du bien au jour de son utilisation ou de sa vente est versée au propriétaire ou à ses ayants droit. Le versement de l'indemnité est subordonné au paiement par le propriétaire du montant des charges éludées (taxes foncières notamment) au cours des 3 années précédant l'appréhension et des dépenses engagées par la commune ou l'Etat pour conserver ce bien.
A défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée par le juge de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
(*) : 30 ans depuis l’ouverture de la succession, sauf en cas de minorité des héritiers à la date du décès, ce délai de 30 ans ne court qu’à compter de leur majorité.
La réforme opérée par l'article 147 de la loi du 13 août 2004 va vraisemblablement inciter les maires à préférer le régime des biens vacants et sans maître à celui des biens en état d'abandon manifeste; cependant, celui-ci garde son intérêt lorsque le propriétaire est connu, mais défaillant, car la procédure permet de l'obliger à faire des travaux ou à vendre, sans acquisition nécessaire du bien par la commune. |