À la suite du décès du fermier (preneur), son conjoint peut-il continuer le bail rural en cours ?
LE CONSEIL DU JURISTE
La transmission du bail rural dans un cadre familial est prévue par le code rural en favorisant les collaborateurs de l’exploitant décédé.
Ainsi, en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l’exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès (article L. 411-34, alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime).
Cette collaboration doit être suffisante sans être nécessairement continue au cours de cette période (Cour de cassation, 3ème Chambre Civile, 20 mars 1996, n° 94-12.953 ; 6 mai 2021, n° 20-14.785).
Lorsque ces conditions sont réunies, la dévolution du bail s’impose au bailleur.
À défaut d’exploitation suffisante, le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance (alinéa 3 de l’article L 411-34 du code rural). Il s’agit d’un délai de forclusion (Cour de cassation, 3ème Chambre Civile, 24 juin 2009, n° 08-15.386).
La Cour de cassation précise que la qualité d’époux et la participation effective sont des conditions cumulatives, mais dont la réalisation s’apprécie distinctement. En effet, le code rural n’exige pas que le conjoint ait participé effectivement en cette qualité à l’exploitation. Dès lors, peu importe la durée du mariage.
En l’espèce, peu de temps après son mariage, un preneur à bail décède, laissant pour lui succéder son épouse et leurs deux enfants. Estimant que ces derniers ne remplissent pas les conditions posées le code rural (alinéa 1er de l’article L. 411-34 du code rural), le bailleur saisit le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de voir constater son refus de la continuation du bail par les ayant droits du preneur. Et, il notifie à ces derniers la résiliation du bail.
Le bailleur estime que le preneur ne s’étant marié que 49 jours avant son décès, une participation de son épouse en cette qualité à l’exploitation ne peut pas être caractérisée.
La Cour de cassation raisonne différemment en approuvant l’appréciation des juges du fond : les conditions de l’alinéa 1er de l’article L. 411-34 du code rural, étaient réunies dès lors que l’épouse avait participé de manière régulière et effective aux travaux de l’exploitation, depuis plus de cinq ans avant le décès, peu important qu’elle n’ait acquis la qualité de conjointe que peu de temps avant celui-ci.
Précédemment, la Cour de cassation avait précisé qu’aucune condition quant à l’âge de l’époux n’était exigée (Cour de cassation, 3ème Chambre Civile, 14 décembre 1994, n° 93-10.254).